ACAT région Nord-Picardie

mouvement de défense des droits de l'homme

Méditation sur la prière pour les ennemis à partir de l’Evangile de Matthieu 5,44 et suivants par le pasteur Olivier Filhol au cours de la réunion ACAT du groupe de l’Amiénois le 25 Novembre 2006

Publié par Olivier Filhol le Samedi 9 Décembre 2006, 18:57 dans la rubrique 80 Amiens - Version imprimable

C’est la suite logique du commandement d’amour : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
Prier pour les ennemis, ce n’est pas naturel. Par contre, aimer ceux qui nous aiment, c’est facile.
Qu’est-ce-qu’un ennemi dans la Bible ? Ce n’est pas celui que je n’aime pas ou que je ne supporte pas ; mais celui qui met un frein à la volonté de Dieu sur ma vie ou sur celle des élus. Ce texte de Matthieu est à lire dans la foi. Il est lié à la bénédiction qui suit au verset 45 « Alors vous serez les fils de votre Père qui est dans les cieux… » Etre fils de Dieu est une bénédiction.
Les ennemis du peuple d’Israël, ce sont ceux qui se mettent entre Dieu et son projet. L’action du bourreau va à l’encontre du respect de la dignité de tout être humain.
L’ennemi pour nous, c’est quelqu’un qui fait mal, mais ce n’est pas forcément un ennemi de Dieu. La société, en effet, élargit la notion d’ennemi. Nous sommes en tension entre nos lois humaines et la loi de Dieu, la Parole de Dieu avec son exigence. Il ne faut pas enfermer ceux que nous considérons comme nos ennemis dans ce rôle d’ennemi, car ils ne le sont peut-être pas vraiment.
Nous sommes appelés à nous décentrer, à vivre une situation de souffrance pour nous-mêmes et pour les autres en communion avec le Christ en croix. Il dit : « Ils ne savent pas ce qu’ils font. » et pas : « Ils ne savent pas ce qu’ils me font. » Il faudrait sortir de « ce qu’ils me font » à moi personnellement. C’est une invitation à nous élargir.

Autre texte en lien avec la prière pour les ennemis : « Va te réconcilier avec ton frère. »
La prière pour les ennemis fait partie de notre rôle d’ambassadeurs de réconciliation. Mais nous n’avons pas la mission de réconcilier le monde avec Dieu ; seul le Christ a cette mission.
Le texte de Matthieu 5,44 fait écho aux Béatitudes. Nous sommes heureux si l’agression qui nous est faite ne nous sépare pas de Dieu et ne nous entraîne pas dans un silence face à Dieu. Persévérer face à Dieu fait des persécutés des bienheureux ; non pas parce qu’ils sont persécutés, mais parce que la persécution ne les coupe pas de Dieu. Bienheureux les martyrs parce que jusqu’à leur dernier souffle, ils sont restés unis à Dieu. (En ce sens, les Catholiques et les Protestants ont la même conception du martyre)

Prier pour les bourreaux pour qu’ils ne restent pas bourreaux. Certains d’entre eux, portés par la prière, ont découvert qu’ils pouvaient vivre autrement.
Le bourreau ne le demande pas de lui-même, mais c’est nous qui pouvons demander à Dieu d’agir. (Même si Dieu n’attend pas notre prière pour agir dans le cœur des hommes) Mais l’humanité a besoin de notre prière.
Nous sentons-nous responsables de nos frères ? Non pas pour les convertir, mais pour être témoin d’une autre vie possible. C’est une démarche d’amour, de bénédiction, d’intercession. « Vous serez les fils de votre Père… » C’est un futur, c’est de l’ordre de l’exaucement. Etre fils est dynamique, dans l’esprit des Béatitudes.
Nous sommes dans un temps de l’Eglise plus spectaculaire que nous ne le pensons. Nous ne sommes pas dans un temps de stagnation, mais de préparation. C’est le temps de la patience active de Dieu. Nous ne devons pas baisser les bras, mais rester veilleurs, faire confiance à Dieu qui est à l’œuvre.
« Si je prie pour mon frère, je ne peux plus le haïr. » écrivait Dietrich Bonhoeffer. Certes, je peux dire ma haine à Dieu, mais le face à face avec Dieu m’empêche de m’y enfermer, car l’amour de Dieu transforme, transfigure la haine. C’est de l’ordre de la passion et de la résurrection. Seul Dieu transporte, déplace la haine.
Les sciences humaines et la spiritualité peuvent nous aider à réfléchir. Pourquoi devient-on destructeur, ennemi ? Par le biais de quelle souffrance ? Par quel besoin de vengeance ? Avant d’être un ennemi, l’homme est une créature souffrante, une créature de Dieu. Nul ne naît ennemi. « Dieu fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons.. »
Dieu a la possibilité de rétablir l’ennemi dans sa perfection. « Vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »
Arrivons-nous à gommer le négatif de la vie passée de nos ennemis ? Cela pose la question de la réhabilitation, de la réinsertion des criminels, des bourreaux.


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