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ONU : la Commission des droits de l'homme ouvre une session cruciale

Publié par acat02 le Lundi 21 Mars 2005, 09:46 dans la rubrique historique - Version imprimable

LE MONDE | 14.03.05
Trois mille représentants officiels, experts et militants des droits de l'homme se retrouvent à Genève pour la réunion annuelle d'un organe des Nations unies soumis à de vives critiques. Pour les ONG, il y a urgence à restaurer la crédibilité de cette instance.
Genève de nos envoyées spéciales

Trois mille représentants de gouvernements, experts indépendants et militants des droits de l'homme ont convergé vers Genève où s'est ouverte, lundi 14 mars, pour six semaines, la 61e session annuelle de la Commission des droits de l'homme de l'ONU (CDH). Parallèlement se tient dans la ville, depuis le 11 mars, la 3e édition du Festival international du film sur les droits humains, qui se veut une "tribune libre alternative", "un espace de dénonciation" où l'on ne craint pas de "bousculer la raison d'Etat" ni de critiquer ce qu'est devenue la CDH.

Les organisations non gouvernementales (ONG) sont venues siéger à la Commission (la seule instance de l'ONU dont les portes leur sont entièrement ouvertes), avec une longue liste de pays qu'elles voudraient voir condamnés par des résolutions ; les délégués des gouvernements sont venus avec leur propre liste, qui est courte. L'Union européenne (UE) présentera deux résolutions seulement pour condamner la situation des droits de l'homme en Corée du Nord et en Birmanie. Les Américains, désormais très critiques envers la CDH, présenteront une seule résolution, contre Cuba.

Personne ne se fait d'illusions : le Soudan ne sera pas condamné pour les atrocités qui continuent de se commettre au Darfour. Khartoum a même réussi à se faire élire parmi les 53 pays membres de la CDH, dont la moitié, selon les ONG, sont des pays violateurs. Aucun texte ne parlera de la guerre sale de la Russie en Tchétchénie, ni de la Chine, ni de l'Iran. L'UE dira qu'elle traite des droits de l'homme dans le cadre de la concertation qu'elle mène avec ces trois pays. Il n'y aura rien non plus sur "la torture, des disparitions et mauvais traitements" infligés aux détenus dans le cadre de la guerre américaine contre le terrorisme. La Commission est devenue le repaire de pays violateurs qui, par des jeux d'alliances, parviennent à éviter qu'aucun d'entre eux soit condamné et découragent les initiatives.

Et pourtant l'atmosphère a changé. Le discrédit qui frappe la Commission a en effet été dénoncé dans le rapport sur la réforme de l'ONU que Kofi Annan avait commandé à seize personnalités indépendantes et qui lui a été remis en décembre. Le groupe n'épargne pas la Commission pour "l'érosion de sa crédibilité et de son professionnalisme".

La proposition de réforme faite par les seize sages divise cependant à la fois les Etats et les ONG. Le rapport suggère que tous les pays membres de l'ONU soient représentés à la Commission. Cette idée "d'universalisation" laisse sceptiques les ONG, qui approuvent en revanche la proposition de créer à plus long terme un Conseil des droits de l'homme, qui serait de même rang que le Conseil de sécurité et qui siégerait toute l'année.

Pour les ONG, l'urgence est de restaurer les mécanismes de mise en cause des Etats violateurs. "Cette session est la dernière chance pour la Commission", estime le président de Human Rights Watch (HRW), Kenneth Roth. HRW demande que les pays candidats à la CDH s'engagent à prendre des mesures en faveur du respect des droits de l'homme. Les ONG dénoncent fortement toute atteinte aux mécanismes de contrôle existants, tels les rapporteurs spéciaux, ces experts indépendants et bénévoles envoyés dans les pays mis à l'index par la Commission.

C'est précisément à la limitation de ces mécanismes de contrôle que vise le projet de "réforme" mis en circulation par quelques-uns des pays membres les moins respectueux des droits de l'homme. "Ils proposent une modification du mode de désignation des experts et des rapporteurs, un "code de déontologie", etc. Ils visent en fait la neutralisation de toutes les procédures spéciales", explique Antoine Bernard, de la Fédération internationale des droits de l'homme. Parallèlement à cette offensive, une campagne contre "le point 9", c'est-à-dire contre les résolutions incriminant nommément des pays, a été lancée, notamment par la Chine, Cuba et le Zimbabwe.

Sur les sujets thématiques, en revanche, plusieurs initiatives vont être prises, dont une résolution sur le respect des droits de l'homme par les multinationales. Les défenseurs des droits de l'homme comptent beaucoup aussi sur une proposition mexicaine, soutenue par l'UE, visant à nommer, pour trois ans au moins, un expert indépendant chargé de suivre les violations des droits de l'homme liées à la lutte contre le terrorisme. Ce projet se heurte à une alliance Russie - Etats-Unis. Ces deux pays, ainsi que la Chine, font cause commune aussi contre le projet de Convention internationale sur les disparitions forcées, que la France et des pays latino-américains espéraient présenter à la CDH dès cette année mais pour lequel les négociations devront se poursuivre.

Afsané Bassir Pour et Claire Tréan

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 15.03.05


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