ACAT région Nord-Picardie

mouvement de défense des droits de l'homme

Quand je vis qu'ils souffraient

Publié par acat02 le Vendredi 18 Janvier 2008, 12:24 dans la rubrique 59 Lille - Version imprimable

J'ai ri quand j'ai vu mes amis me sourirent
J'ai ri quand de nos mains nous avons su endimancher
et retenir le temps qui durent d'une amitié.
Est-ce donc nos barrières enguirlandées de fleurs
que nous avons soulevées pour nous regarder.

Dans la pièce blafarde, jaune au soleil,
couleurs feuille à la couleur de l'âtre.
Quand de la fenêtre
je pris le temps de regarder la rosée
qui de bon matin, verdure frémissante,
goutte après goutte tapissait les champs,
et que les fleurs perlant que nous avons brossées
avant d'aller nous endormir
se reveillaient en se dorant,
je me souvient de mon rire,
et je revis mon frère,
les doigts émiettés
les pieds déchirés
la tête cognées
de n'avoir rien fait
de n'avoir rien dit
de n'avoir pas menti
de n'avoir pas volé
et je revis nos mains endimanchées.

Quand mes yeux se souvinrent
du regard de mon frère
qui pleurait, sanglotait, hurlait sur les murs de sa prison,
je n'ai rien fait que panser ceux qui souffraient.

Je me souviens encore
quand nous avons soulevé les barrières de fleurs
qui nous enguirlandaient
avoir ressenti le souffle de mon frère
qui, serré dans les mains du bourreau
ne pouvait plus penser
ni pansait son frère.

De ce souffle j'ai entendu les cris de ceux qui souffraient,
leurs doigts émiettés
qui écrivaient sur le temps de l'histoire
emprisonnés dans les murs de leurs pays.

J'ai pensé alors qu'il fallait toujours ne jamais oublié
de penser et de pouvoir les panser.

Je n'ai plus cru que sans mes larmes
tout pouvait s'arrêtait
comme quelquefois les enfants
croient que c'est en criant que le vent s'arrête de souffler,
la neige de virevolter et la pluie de tomber.

Dans sa cellule
blafard de douleur,
il crie comme un hurlement s'enroulant sans fin
dans les vagues.

J'ai compris que le sang de leurs pieds
empruntaient les chemins de leurs mains
et que de leurs mains nous pouvions rencontrer leurs coeurs.
Quand dans la soufrance ultime
les bourreaux n'entendent plus que le cri
du hurlement de la vague
qui vient s'écarteler sur le phare
et dont des gouttelettes de sang s'éparpillent
comme une ondée sur la mer
pour nous rappeler sans fin
ce que des hommes font à leurs frères.

J'ai pensé alors qu'il fallait toujours ne jamais oublié
de penser et de vouloir les panser.

Tapisse joli enfant, les murs de ton histoire
et que tes yeux dans le noir puissent chanter
une chanson à savoir
que demain dans les bras de tes amis
tu sauras qui sont ces hommes qui prient
pour ne plus souffrir
de devenir ces gouttelettes de sang qui s'éparpillent.

Françoise Lermytte, novembre 2007


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