ACAT région Nord-Picardie

mouvement de défense des droits de l'homme

Témoignage de Aba GAYLE. St OMER, maison des associations, le lundi 15 mai 2006.

Publié par Maurice Collier le Vendredi 19 Mai 2006, 14:05 dans la rubrique historique - Version imprimable

Cette américaine, de l’Orégon, a été invitée par la Formation Chrétienne Permanente et l’ ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture) de St OMER. Elle fait une tournée dans plusieurs villes de France. 

Voici son histoire.

Un jour, alors que j’étais en ville, j’ai eu un pressentiment ! Je retourne chez moi et le téléphone sonnait. Je décroche et une personne, à l’autre bout du fil, me dit : « votre fille a été tuée ! ». Je raccroche et j’appelle de suite la police qui me répond : « votre fille n’a pas été tuée par balles, elle a été poignardée ! » A cet instant, la folie m’a envahie.

Les policiers n’étaient pas très sympathiques, les psychologues ont essayé de m’aider, mes deux autres enfants vivaient très éloignés de la maison et à cette période de ma vie, je ne croyais en rien, je n’avais pas de contact avec la religion et l’Eglise.

Que la douleur soit grande ou petite, les étapes du deuil sont très importantes. Je ne pouvais pas pleurer en public ; je criais sous la douche ; je me suis mise à lire. La colère était toujours présente en moi.

Après l’arrestation de l’assassin, je me suis adressée au procureur qui m’a dit : « Après l’exécution vous vous sentirez beaucoup mieux ! ». Et je l’ai cru. C’est ce que l’on dit à toutes les familles et l’on reste dans cette colère. A cette époque, l’idée de vengeance était en moi et cela a duré huit ans. Quel gâchis !

Ensuite j’ai suivi des cours de méditation avec thérapie de groupe où chacun expliquait son histoire et pourquoi il etait là. J’ai appris à rester calme et à écouter ma voix intérieure.

Un peu plus tard, j’ai décidé d’aller vivre chez ma mère. Au hasard des promenades, j’ai découvert une église, à la campagne, nous y sommes allés avec ma mère. Il y avait là une femme pasteur et je l’ai écoutée. Ensuite, je me suis mise à étudier les religions : le bouddhisme, l’Islam, le Judaïsme et le Christianisme. L’enseignement de Jésus : « Aimez-vous les uns, les autres ! », m’intéressait. J’ai voulu connaître aussi les miracles. L’homme qui faisait le cours était juif. Il nous a dit qu’il avait pardonné à tous les gardes allemands qui avaient tués tous les membres de sa famille. Cela m’a interpellée.

Je suis arrivée à cette réflexion : le pardon ne devient réel que si vous le faites savoir à l’assassin. J’ai donc décidé d’écrire au meurtrier en lui expliquant tout ce que ma fille représentait pour moi. « Vous l’avez empêchée de grandir et de s’épanouir et pour cela vous devez être puni comme la loi le permet. Mais je me suis aperçue que je pouvais vous pardonner, parce que vous êtes un enfant de Dieu. Je peux vous rendre visite, si vous le souhaitez. » Le fait de poster cette lettre m’a libérée de toute la colère que je portais depuis douze ans. J’étais en état de grâce : j’avais pardonné à un être humain et j’étais convaincue que ce n’était pas la peine de faire mourir cet homme.Un long chemin avait été fait de mon intelligence à mon cœur. Je savais que je n’avais pas besoin de le tuer pour que je sois heureuse et satisfaite.

Et puis il m’a répondu. Quel type de lettre peut écrire un monstre ? J’ai été très surprise : il avait fait la même démarche de foi que moi, il était plein de remords, de chagrin, il aurait voulu changer sa vie contre celle de ma fille.

J’étais absolument terrifiée à l’idée de le rencontrer. Mais surprise, je n’ai pas vu de monstres dans le parloir de la prison. Au contraire, j’ai rencontré Dieu sur ces visages. Nous avons parlé de Katrin, ma fille et lui a parlé de sa maman qui s’était suicidée lorsqu’il avait 16 ans.

En sortant, j’ai décidé que je serai avocate sociale et politique pour tous les hommes et toutes les femmes qui sont dans le couloir de la mort. Je me suis fixé deux passions : enseigner la puissance du pardon et travailler à l’abolition de la peine de mort. Cette décision a rempli de bonheur mes deux enfants.

 Aba GAYLE est membre de l’association américaine des « Familles de victimes de meurtre, pour la réconciliation «

L’association est apolitique et non confessionnelle. Le seul point commun à tous les membres, c’est la perte d’un enfant par meurtre. Aux Etats-Unis, chaque année, un groupe fait une tournée de 30 jours, dans un état différent, ponctuée de conférences. Au Texas, beaucoup de gens condamnent la peine de mort.

A la question : Est-ce votre foi chrétienne qui vous a aidée à pardonner ? Oui répond Aba Gayle.

Dans les plus grands malheurs, il y a toujours quelque chose de positif. J’ai perdu Katrin mais j’ai obtenu Dieu.

Je continue à communiquer et à rendre visite à cette personne. Actuellement Douglas est dans le couloir de la mort. J’irai le voir au moment de la sentence, mais toujours dans une démarche de réconciliation. Je ne sais pas comment on peut imaginer une façon humaine de tuer.

 

 


Article précédent - Commenter - Article suivant -